Après l’assassinat de Semira, un grand mouvement de soutien s’est organisé en Belgique autour des sans-papiers qui occupaient de nombreuses églises. Cela a donné lieu en 2000 à une opération de régularisation qui a permis la régularisation d’environ 50.000 personnes. Les dossiers ont été traités par des commissions de régularisation composées de magistrats, de représentants d’ONG, des syndicats…
Après 2000, c’est à nouveau une politique restrictive en matière d’asile et d’immigration qui fait que des milliers de personnes ont été déboutées de procédures diverses, ou ont eu peur d’en introduire, avec comme résultat pour certaines des années de clandestinité. Toutes se retrouvent dès lors en situation précaire, sans aucun revenu, ou alors exploitées par les réseaux de travail clandestin.
En 2003 et en 2004, d’importantes grèves de la faim ont eu lieu (Afghans, Iraniens…), seul moyen d’être entendus !
A l’automne 2004, l’UDEP, Union pour la Défense des sans-papiers est créée à Liège et des sections se multiplient dans tout le pays. Face à cette précarité qui dénie les droits sociaux et économiques élémentaires garantis par les conventions internationales, la citoyenneté, face au fait qu’une partie du marché du travail est constituée par des travailleurs surexploités, au détriment de tous les travailleurs, la régularisation devient la revendication principale, parce qu’elle est la seule solution acceptable. Les organisations syndicales rejoignent ce combat pour la régularisation, meilleur moyen pour lutter contre le dumping social et la division des travailleurs.
LES SANS-PAPIERS SONT LA POINTE VISIBLE DE L’ICEBERG DES DYSFONCTIONNEMENTS DE NOTRE SOCIÉTÉ NÉO-LIBÉRALE : LEUR COMBAT REJOINT AUSSI CELUI DE TOUS LES « SANS », QUI SE RETROUVENT DANS LA PRÉCARITÉ ET L’EXPLOITATION, VICTIMES D’UNE INÉGALITÉ DE DROITS, NOTAMMENT DU DROIT À UNE EXISTENCE DÉCENTE, AU TRAVAIL, AU LOGEMENT…
Le 19 octobre 2005, commence l’occupation de l’église Saint-Boniface à Ixelles. L’UDEP et les occupants de l’Eglise Saint-Boniface ont élaboré avec des avocats et des juristes un projet de loi pour des critères de régularisation clairs et une commission permanente de régularisation. L’occupation se termine après une grève de la faim et l’octroi d’un titre de séjour provisoire le 31 mars 2006.
A partir d’avril 2006, et jusqu’aux élections législatives de juin 2007, on dénombre plus de 40 lieux (églises, bâtiments universitaires, maisons de la laïcité…) occupés en Belgique par des sans-papiers de toutes origines… Les actions se multiplient et s’amplifient pour la régularisation des sans-papiers ; en 2006 deux manifestations nationales en février et en juin (plus de 15.000 personnes à Bruxelles).
Autour des sans-papiers une vaste solidarité s’est organisée : de collectifs, d’assemblées de voisins, d’associations, des organisations syndicales … Les revendications des sans-papiers sont soutenues par plusieurs propositions de loi émanant de députés ECOLO, sociaux-chrétiens et socialistes.
PREMIÈRE DÉCEPTION, LA DISCUSSION, PUIS LE VOTE, DE LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE D’ASILE EN JUILLET 2006 : TOUTE PROPOSITION EN MATIÈRE DE RÉGULARISATION EST ÉCARTÉE ! LES ACTIONS SE SONT POURSUIVIES, PONCTUÉES D’OCCUPATIONS ET DE NOUVELLES MANIFESTATIONS NATIONALES, JUSQU’AUX ÉLECTIONS DE JUIN 2007…
Il y alors la longue attente d’un accord gouvernemental. De nouveaux collectifs de sans-papiers, s’ajoutant à l’UDEP, voient le jour et mènent aussi des actions. Les sans-papiers ne peuvent plus attendre, alors que chaque jour nombre d’entre eux, y compris de nombreuses familles avec enfants scolarisés, sont placés en détention dans les centres fermés en vue d’une expulsion !
En janvier 2008, une occupation avec grève de la faim de 170 personnes démarre à la rue Royale à Bruxelles. Dans différentes villes se tiennent les cercles du silence : « Tout a été dit. Rien n’a été obtenu… Sans slogans, sans cris, nos rassemblements se déroulent dans le silence ». Ce silence signifie qu’on a déjà tout dit sur la question et qu’il est temps pour les politiques d’agir, de tout faire pour que leurs promesses ne restent pas lettres mortes.
Au mois de mars 2008, enfin, l’accord gouvernemental prévoit une régularisation, mais il ne se concrétise pas. Mobilisations et répression se poursuivent de concert.
C’EST FINALEMENT À L’ÉTÉ 2009 QU’UNE INSTRUCTION DU SECRÉTAIRE D’ETAT MELCHIOR WATHELET PRÉVOIT UNE NOUVELLE RÉGULARISATION SUR BASE DE L’ANCRAGE LOCAL DURABLE OU D’UN CONTRAT DE TRAVAIL. LES RÉSULTATS SONT MITIGÉS, ÉTANT DONNÉS LES DIFFICULTÉS DE RÉUNIR LES DOCUMENTS NÉCESSAIRES POUR LE DÉPÔT DES DOSSIERS POUR L’ANCRAGE LOCAL DURABLE ET L’IMPOSSIBILITÉ DE FOURNIR UN CONTRAT DE TRAVAIL SANS AUTORISATION DE SÉJOUR. ENVIRON 35.000 PERSONNES SONT RÉGULARISÉES, ET C’EST ENSUITE JUSQU’AUJOURD’HUI À NOUVEAU LE BLOCAGE COMPLET.
Les résistances ont continué, avec quelques occupations, des campagnes de sensibilisation, un travail de fond pour impliquer encore plus le mouvement syndical et associatif, et des partenaires politiques dans le cadre d’initiatives locales, comme le travail vis-à-vis des autorités communales à Liège.
Plusieurs marches de sans-papiers notamment initiées par les Afghans ont arpenté toute la Belgique, dont une grande marche organisée par la Coordination Nationale des Sans Papiers en 2015. C’est depuis 2015 aussi, et ce que l’on a appelé la « crise de l’asile », que de plus en plus de citoyens se sont sentis interpellés, se sont impliqués dans des actions concrètes, et collectives, notamment au Parc Maximilien : en organisant, à l’époque, sur place l’hébergement de migrants, et, depuis 2017, dans leurs maisons, avec la Plateforme citoyenne d’hébergement qui a vu le jour.
Des occupations par les sans-papiers ont repris, notamment à Bruxelles et à Liège
LES SANS – PAPIERS S’ORGANISENT À NOUVEAU : VOIX DES SANS PAPIERS À BRUXELLES, COLLECTIF EBOLA, COMITÉ DES FEMMES SANS PAPIERS, GROUPE DES « OUBLIÉS DE LA RÉGULARISATION DE 2009 », LATINO-AMÉRICAINS, VOIX DES SANS PAPIERS DE LIÈGE. DEUX NOUVEAUX GROUPES ONT VU LE JOUR EN 2018-19, LA VOIX DES SANS PAPIERS DE VERVIERS ET LA VOIX DES SANS PAPIERS DE MONS. ILS N’HÉSITENT À SE METTRE EN DANGER, CAR DES MILITANTS SONT ARRÊTÉS, ENFERMÉS DANS LES CENTRES, ET POUR CERTAINS D’ENTRE EUX EXPULSÉS.
Migrants et sans papiers ont été soutenus par des comités de soutien à Bruxelles, à Liège, à Mons à la Louvière, à Verviers…et nous avons connu de grandes manifestations nationales 2018 et en 2019, avec autour d’eux un front de plus en plus large, de citoyens, d’associations, et les organisations syndicales.
En mai 2018, la petite Mawda perd la vie au cours d’une traque assassine ; en août les premières familles sont enfermées dans l’annexe pour familles du centre 127 bis, l’indignation citoyenne prend de l’ampleur.
A LA VEILLE DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DE MAI 2019, UNE VASTE CAMPAGNE S’ORGANISE POUR LA RÉGULARISATION.
Vottem, 23 ans de détentions illégitimes !
Marchons ensemble ce 9 mai jusqu’à Vottem, camp de la honte, rendez-vous dès 14 heures Place Saint-Lambert à Liège
Depuis 1999, plus de 20.000 personnes ont été détenues au centre fermé de Vottem : sur simple décision administrative de l’Office des Etrangers, sans l’intervention d’une juridiction ; simplement parce qu’elles ne disposent pas, ou plus, d’un titre de séjour.
Plus de 20.000 personnes détenues, pour être renvoyées vers l’insécurité, c’est à dire vers la guerre , la dictature, les persécutions de toutes sortes, politiques, sexistes, homophobes…, vers la misère liée à la dette des pays du Sud, à l’inégalité des échanges, au pillage des ressources par les anciens colonisateurs, vers les conséquences du réchauffement climatique…
Tant de réfugié.e.s, dont seulement un très petit nombre arrivent en Belgique, et se voient refuser l’asile, en grande majorité (60% de refus en 2019). Tant de personnes qui n’ont pas d’autre choix que de rester ici, dans la clandestinité, la précarité, et l’exploitation dans les réseaux de travail clandestin, qui n’arrivent pas à obtenir la régularisation de leur séjour, et dont certaines se retrouvent dans les centres fermés !
Aujourd’hui nous constatons de nombreux dispositifs mis en œuvre pour l’accueil des réfugié.e.s qui fuient la terrible guerre en Ukraine, et nous nous réjouissons vivement de ces dispositions prises . Soulignons tout de même que l’hébergement se fait surtout au sein de familles de citoyens solidaires. Cependant nous constatons en même temps que les autres candidats à un statut de protection internationale doivent continuer à faire de longue files pour être entendus par l’Office des Etrangers, souvent ne sont pas hébergés rapidement dans des centres d’accueil, et finalement se heurtent à des refus ! Accueil à géométrie variable…
On aurait pu espérer que cette tragédie nouvelle, et la mobilisation actuelle mise en œuvre, ouvrent les yeux de notre gouvernement sur la nécessité de repenser la question de l’accueil, et des moyens nécessaires à y allouer, pour toutes et tous les réfugié.e.s, quelles que soient leurs origines. Pas du tout ! Au même moment, le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la migration, Sammy Mahdi annonce la construction, l’ouverture de 4 nouveaux centres fermés. Coût : 100 millions, l’urgence ne serait-elle pas de les investir dans l’accueil ?
Objectif : passer à une capacité d’enfermement de 1145 personnes (751 actuellement), pour arriver à au moins 10.000 expulsions par an. Construction d’un centre fermé pour étrangers à Jumet, 200 places ; à Zandvliet (près d’Anvers), 144 places ; d’un centre supplémentaire « de départ » à Steenokkerzeel – à côté de Zaventem, où existent déjà les centres 127 bis et Caricole- 50 places ; et d’un centre de 112 places à Jabbeke, destiné à remplacer celui de Bruges, trop vétuste, 112 places.
De fait cet accroissement du nombre de centres fermés était prévu dans l’accord gouvernemental « Vivaldi », mais nous espérions que les actions menées par les sans-papiers et leurs soutiens vis-à-vis de la société en général, et des partis politiques qui nous assuraient d’un soutien, auraient pu porter leurs fruits. Parce qu’il existe une alternative qui va dans une toute autre direction : la régularisation des sans-papiers qui ont acquis ici un nouveau parcours de vie, une insertion dans notre société, des formations, du travail… Parce que la guerre en Ukraine nous montre, avec plus de proximité, ce qui se passe à bien d’autres endroits dans le monde.
Nous voulons rappeler que les centre fermés sont des prisons qui cachent leur nom, que la détention en leur sein est une violence quotidienne du simple fait de la privation de liberté, aggravée par les contraintes exercées quand la personne détenue se révolte contre sa détention, exacerbée lors des expulsions, qui ne peuvent « réussir » que sous la pression de la force.