IL FONCTIONNE DEPUIS LE 10 MARS 99. C’est une prison où sont détenus des étrangers en vue de leur expulsion « simplement » parce qu’ils n’ont pas de « papiers », c’est-à-dire pas ou plus d’autorisation de séjour. La plupart nous disent : nous ne sommes pas des criminels, pourquoi sommes – nous enfermés ? C’est une prison d’exception, un camp de mise à l’écart, car ceux qui y sont enfermés n’ont pas été jugés, ne sont passés devant aucune instance judiciaire (comme c’était le cas dans d’autres camps de sinistre mémoire…), mais ont été placés en détention suite à une décision administrative de l’Office des Etrangers. C’est seulement après le placement en détention qu’un recours est possible (requête de mise en liberté). C’est pour cela que dès le début les opposants aux centres fermés pour étrangers ont expliqué qu’il s’agissait de lieux de non droit et qu’il fallait les supprimer. Illégitimes de ce point de vue, ils le sont aussi parce qu’ils constituent un déni des Droits Humains.
DURÉE DE LA DÉTENTION
ACTUELLEMENT, ENVIRON 120 PERSONNES SONT ENFERMÉES À VOTTEM; SEULS DES HOMMES Y SONT DÉTENUS. Leur détention peut durer 5 mois (8 mois lorsque des raisons de «sécurité nationale » peuvent être invoquées) en vue d’organiser leur expulsion. La durée de détention recommence à zéro en cas de refus d’expulsion, ou en cas de nouvelle demande d’asile. Cela signifie concrètement que certains vont y rester plus de 6 mois, parfois même un an et plus…La durée moyenne de détention reprise dans le dernier rapport du centre, 45 jours en 2017, est toute théorique pour certains ! Entre 1999 et 2017, les détentions les plus courtes sont d’un jour, entrée et sortie le même jour. Les détentions les plus longues sont celles d’un ressortissant Marocain qui du 18 mars 2010 est resté détenu à Vottem jusqu’au 4 juillet 2011, soit 472 jours ! En 2005 et 2006 un Algérien est resté à Vottem 327 jours. Et le rapport 2008 cite un ressortissant Irakien qui est resté de façon successive 489 jours en centres fermés : 277 jours dans un autre centre fermé puis 212 jours à Vottem…
DESESPOIR, RÉVOLTE… RÉPRESSION
Chaque année, en moyenne, environ 1000 personnes sont détenues dans le centre. Le 9 mars 2019, 20 ans après, plus de 19.500 personnes ont été détenues à Vottem. 19.500 personnes dont le quotidien a été fait de résignation, de désespoir, de révolte … et de répression.
Lors des journées Portes Ouvertes organisées chaque année par le centre pour les familles du personnel, et invités sélectionnés, on ne montre pas d’abord les contraintes, mais on présente tout ce qui est organisé pour occuper le temps des détenus : bricolages, sports et tournois, fitness, bibliothèques, atelier cuisine ou jardinage etc. On oublie de rappeler qu’il s’agit d’une privation de liberté dont on sait quand elle commence, mais pas quand elle finit, une perspective d’expulsion vers les dangers, les persécutions, la guerre, les discriminations, la misère, … du pays d’origine, pays vers lequel l’on sera expulsé sans rien en poche !
On oublie de dire aussi que, comme les centres fermés sont une machine à expulser, toute une série de pratiques sont mises en œuvre afin de briser psychologiquement et physiquement, au quotidien, et lors des tentatives d’expulsion, les personnes. Rien n’est épargné pour les « résidents » de Vottem : le cachot, prison dans la prison, ou encore l’aile sécurisée d’isolement, les transferts disciplinaires, les insultes, les coups, les menottes lors de chaque déplacement au tribunal ou à l’hôpital… Voilà ce dont nous parlent tous les jours les « enfermés » qui ne comprennent pas d’être « traités comme des criminels », « moins bien que des animaux », eux qui, pour beaucoup, n’ont jamais connu de prison, ou de menottes, avant celles-ci…
LE RÉGIME EST EN EFFET TRÈS RÉPRESSIF. A VOTTEM, IL Y A 12 CACHOTS OÙ PEUVENT ÊTRE ENFERMÉS LES SUICIDAIRES, CEUX QUI, SOI-DISANT, NE RESPECTENT PAS LE RÈGLEMENT OU SE REBELLENT, PAR EXEMPLE CEUX QUI ENTAMENT UNE GRÈVE DE LA FAIM…, ET, CHAQUE JOUR, CEUX QUI DOIVENT ÊTRE EXPULSÉS LE LENDEMAIN. La mise en isolement est très fréquente. Un détenu peut aussi être transféré dans un autre centre. Un indicateur de «l’ambiance» dans le centre est la proportion de personnes qui au cours de leur détention à Vottem sont mises en isolement (au cachot ou en régime différencié par mesure de sécurité ou d’ordre) : 15 détenus sur 100 au cours des 5 premières années du centre, 28 détenus sur 100 ces 5 dernières années. A noter, de plus, que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, lors de sa visite faite au Centre fermé de Vottem fin 2009, avait émis des réserves sur les pratiques de la Direction de Vottem en matière de placement en cellule d’isolement pour raisons disciplinaire et de maintien de l’ordre et de la sécurité. Pratiques qui se sont, de plus, renforcées, depuis septembre 2014 par la « sécurisation» d’un des quatre quartiers du Centre fermé de Vottem.
Mise en place à l’initiative de Maggy De Block, l’aile sécurisée ou « spéciale» permet d’appliquer un « régime différencié » : chaque détenu est isolé seul dans une chambre, et reste seul également pour la sortie au préau. Contrairement à la mise au cachot, limitée légalement à 72h, ici il n’y a pas de limitation de durée, puisqu’il ne s’agit pas de « cachots ». Selon la direction, il s’agit de personnes « ingérables » qui ne peuvent s’intégrer dans une aile « normale » pour des raisons psychologiques ou de santé. Petit à petit ils doivent théoriquement être réintégrés dans une autre aile. Certains ne le sont jamais, ceux qui se révoltent, qui remettent en cause le fonctionnement du centre…Certains détenus sont restés des mois dans l’aile sécurisée, ils nous ont confié qu’ils devenaient fous ! Le but est qu’ils finissent par accepter leur expulsion, lorsqu’ils n’en peuvent plus.